Coupe du monde 2014
Histoire d’une rivalité franco-allemande
France-Allemagne sera l’affiche du premier quart de finale de la Coupe du monde 2014. Un rendez-vous à part puisque historique et surtout très rare. Un rendez-vous que joueurs allemands et français ont toujours voulu dissocier de leur histoire commune chaotique car liée aux guerres. Avec plus ou moins de réussite.
C’est l’histoire d’une amitié authentique bâtie sur un champ de ruine. C’est l’histoire d’une haine viscérale engendrée par les guerres mais que le temps a guéri peu à peu et qu’il continue d’ailleurs à panser encore de nos jours. Au cœur des années d’après-guerre, la tension que génère un France-Allemagne en football est sans commune mesure. Le choc, le traumatisme et la haine vouée à l’Allemagne nazie sont encore trop frais pour s’en défaire et les Français, comme le content les manuels d’histoire, ont beaucoup de mal à dissocier la juvénile RFA de la sanguinaire machine de guerre qui provoqua le conflit le plus meurtrier de l’histoire de l’humanité. Le quadruplé de Just Fontaine pour le match de la 3ème place du Mondial 1958 (pour un score final de 6-3 en faveur des Bleus), scellera le premier duel d’après-guerre en Coupe du monde opposant Français et Allemands alors champions du monde en titre. Cette victoire, sans réelle répercussion sportive, est pourtant vécue comme un soulagement dans l’hexagone. Les 13 réalisations record du buteur rémois rajoutent du poids dans la performance française.
Séville réveille la haine
Il faudra attendre plus de trente ans avant que l’équipe de France et la National Mannschaft ne se recroisent sur la scène mondiale, en 1982. Au rythme que la nation allemande tente de se créer une nouvelle identité internationale et de gommer un tant soit peu le passé, sa sélection en fait de même en conquérant des titres européens (1972, 1980) et mondiaux (1954, 1974). Pendant que l’armoire à trophées française reste irrémédiablement vide. Les retrouvailles en demi-finale à Séville, en 1982 sont aussi célèbres que légendaires. D’un point de vue sportif, les affrontements franco-allemands qui ont jalonné trente ans de match sans enjeu entre les deux nations ont tourné légèrement en faveur de nos voisins (3 victoires, 3 nuls, 1 défaite seulement pour eux). Les attentes sont donc énormes en Espagne mais elles seront une déception cuisante. La victoire allemande aux tirs au but, alors que les Bleus avaient mené 3-1 en prolongations, est aussi célèbre que douloureuse. Cette simple défaite qui surgit au cœur d’une ribambelle de matches sans conséquences sportives particulières ravive en 90 minutes toute une rivalité longtemps laissée de côté.
La France se soigne toute seule
Redevenue ennemie de la nation française par ce simple fait sportif, l’Allemagne subit de plein fouet les exagérations, parfois grotesques, de certains médias dont l’épisode restera à jamais en travers de la gorge. Harald Schumacher aura notamment droit à l’étiquette peu convenable de « sale bosch » suite à son attentat sur Battiston. La défaite, plus régulière en demi-finale du Mondial 86 (0-2) viendra remettre son grain de sel dans le duel. Nombreux sont les Français qui garderont de la rancœur envers les Allemands, les plus vieux principalement dont le traumatisme de guerre restera imperméable aux nouvelles heures de l’histoire. Son complexe allemand, la France s’en guérira d’elle-même en conquérant les Euro 1984 et 2000 et en s’emparant du trophée Mondial en 1998, année où les Allemands prennent l’eau en quarts de finale contre la Croatie (0-3). Et pour les plus téméraires, la finale disputée sur le sol allemand en 2006 avec l’absence évidemment notable du pays hôte, achèvera peut-être les dernières onces de haine. En 2006 encore, Français et Allemands ont été unifiés, d’une certaine façon, dans la détresse d’avoir été tous les deux sortis par une Italie insolente de réussite.
Finalement ? Un duel comme un autre
Autant d’évènements sont venus contrecarrer les maux de l’histoire et redorer l’image d’une Allemagne qui ne partage que son nom et son territoire avec son démon d’antan. La cohésion européenne, sa construction, les accords entre les deux états, les commémorations mains dans la mains, les bisouillades entre François Hollande et Angela Merkel sont autant d’éléments contribuant à rendre cette Allemagne rien de plus qu’un simple rival sportif. Un rival que les Bleus n’avaient d’ailleurs plus croisé en compétition officielle depuis 1986. Un rival que l’on n’a d’ailleurs jamais rencontré en Championnat d’Europe des nations. Un rival peut-être bien moins rival que ne le sont l’Italie et l’Angleterre. Auprès de la jeune génération, la National Mannschaft que les Bleus rencontreront demain ne sera guère plus qu’un voisin, qu’un ami, qu’une nation mondiale majeure et sur le papier supérieure, qu’on rêve de battre. Non pas pour se venger, non. Mais tout simplement pour entretenir encore quelques jours notre appétit pour la compétition et notre désir de fête. Tout simplement.