BRESIL 2014

Equipe de France

Où en est la France Black-Blanc-Beur ?

Le succès de l'équipe de France au Mondial 98, en plus de susciter un élan de patriotisme, a braqué les projecteurs sur une équipe multiculturelle, forte de son immigration et de ses valeurs. Aujourd'hui, jour du premier match des Bleus face au Honduras, on s’intéresse à ce concept aussi admirable qu'éphémère.

France 98

De Raoul Diagne à Raymond Koppa et Zinédine Zidane, en passant par Michel Platini et Paul Pogba, l'équipe de France a toujours eu un rapport privilégié avec les joueurs issus de l'immigration. L'excellent article de Paul Dietschy, Football et immigration en France, retrace de manière claire et synthétique la connexion qu'il existe entre ces deux notions. De la création de la Fédération française de football association (1919) au débat lancé par le gouvernement Fillon sur la question de l'identité nationale (2009), on se rend compte à la lecture de l'article que le football français a traversé les époques et les idées comme une vitrine à retardement de notre histoire. Ainsi le visage des différentes équipes de France est tantôt italien, tantôt polonais quand on n’y retrouve pas la trace des anciennes colonies. Très tôt, notre équipe nationale a ce visage du monde, symbole de notre histoire, pas toujours très glorieuse mais souvent fédératrice. La troisième place à la Coupe du monde 1958 amorce un phénomène qui perdure toujours, le football-intégration. L'équipe emmenée par Just Fontaine et Raymond Kopa symbolise cette France terre d’accueil et de réussite dans un contexte économique très favorable. Cette utopie va se poursuivre et trouver son apogée un soir de juillet 1998 : on parle alors d'une France Black-Blanc-Beur.

« Un bel élan unanime a salué la victoire d'un État-nation, d'un modèle d'intégration, pas seulement d'une équipe. Ce sentiment venait d'ailleurs de toutes parts, du mouvement sportif, des politiques, » note Ludovic Lestrelin, maître de conférence en Staps à l’université de Caen. Ça serait donc ça la France Black-Blanc-Beur ? Un pays, qui pour un été, oublie ses différences pour se concentrer sur ses forces, une nation qui se reconnaît en l'autre, un peuple qui adule un héros fils de Kabyles, 36 ans après les accords d'Evian. Cet été là, même Jean-Marie Le Pen (FN) se trouve dans l'obligation, non sans une certaine amertume, de saluer « le principal artisan du succès final, Zinédine Zidane, enfant de l’Algérie française. » L’Euro 2000 est une nouvelle fois l'occasion pour la France de célébrer ses héros venus d'horizons diverses mais tous unis sous le drapeau tricolore. Pourtant, un an plus tard, le 6 octobre 2001, à l'occasion d'un match France-Algérie, la Marseillaise est sifflée et le terrain envahi après 75 minutes de jeu par des supporters algériens. De manière réductrice, cette épisode clôt ce sentiment d'union qui avait pu naître en France, dans l'écho d'un chant hurlant Et 1, et 2, et 3 zéros.

Une nouvelle génération pour tout changer

Depuis, de l'eau a coulé sous les ponts, des idées ont fait leur chemin, d'autres ont disparu. De l'utilisation du coup de tête de Zidane en finale de la coupe du Monde 2006, à l'échec de l'Euro 2008, sans oublier l'humiliation de 2010 symbolisée par ce fameux bus, l'équipe de France n'est plus ce symbole unificateur. En atteste les déclarations de feu Georges Frêche, ancien maire de Montpellier, en 2006 lors d'un conseil municipal : « Dans cette équipe (de France), il y a neuf blacks sur onze. La normalité serait qu'il y en ait trois ou quatre. Ce serait le reflet de la société. Mais là, s'il y en a autant, c'est parce que les blancs sont nuls. J'ai honte pour ce pays. Bientôt, il y aura onze blacks. Quand je vois certaines équipes de foot, ça me fait de la peine. » L'équipe de France a cessée d'être un exemple, elle est devenue un sujet de discorde, sur la place des joueurs issus de l'immigration, sur son comportement, sur son patriotisme.

Depuis quelques années, chaque affaire touchant le football français est prétexte à discuter le caractère multiculturel de cet équipe. Comme nous l'avions précédemment évoqué, le sport est perméable aux idées et aux tensions qui l'entourent. Les critiques qui accompagnent notre équipe nationale vont de pairs avec le repli sur soi que l'on observe depuis quelques temps au sein de la société française. Ainsi, à quelques heures du premier match des Bleus dans cette Coupe du monde, on peut espérer que cette nouvelle génération de footballeurs saura garder à l'esprit les valeurs de ses glorieux aînés, qu'elle saura porter haut les couleurs de la France oui, mais aussi de la tolérance et du respect, qu'elle saura montrer au monde que le patriotisme n'est beau que lorsqu'il se forge dans la différence et l'ouverture.

Messieurs, ce soir, faîtes-nous rêver mais surtout unissez-nous.