Coupe du monde 2014
Brésil, l’escalade de la colère
Mouvements protestataires, manifestations houleuses, grèves en tout genre et violences multiples prolifèrent au Brésil. A 18 jours du Mondial, le pays aura fort à faire pour endiguer la crise sociale.
On dit souvent que la Coupe des Confédérations est une répétition miniature de la Coupe du monde qui suit. Gangrenée par des mouvements protestataires il y a un an, la petite sœur du Mondial a initié un courant de manifestations anti-football. Comme lors de cette répétition, le pays inégalitaire qu’est le Brésil s’enflamme à seulement quelques jours du Mondial. « Tant de choses ne vont pas au Brésil qu'il est difficile de savoir par où commencer. » Cette phrase est signée Paulo Ito, un artiste qui s’est fait récemment remarquer en dessinant un graffiti représentant un enfant affamé devant un ballon de football dans son assiette. Ce qu’on reproche au gouvernement brésilien se résume à peu près de la sorte : l’investissement massif dédié aux travaux liés au Mondial exercé au détriment d’autres secteurs tels que la santé, le social ou l’éducation.
Le Brésil a investi 11 milliards de dollars dans la construction des stades et de leurs accès. « Avec cette somme, il y aurait de quoi construire des logements pour nous tous ici – et encore, il y aurait du rab ! » s’est exclamé Edmilson Gomes da Silva, un des leaders du mouvement des travailleurs sans toit qui a manifesté récemment dans Sao Paulo. Pays émergent, le Brésil est un pays plein d’inégalités où la pauvreté ne cesse de croitre. « Nous sommes ici pour défendre notre droit au logement, explique Guilherme Boulos, le leader du MTST. En même temps, nous dénonçons les contradictions de la Coupe du monde. » Car c’est là que le bas blesse. Avec le Mondial, le gouvernement a donné la preuve qu’il avait les moyens d’investir. Donnant lieu à une ribambelle de protestations de la part des pauvres et de ceux qui s’estiment lésés.
Une Coupe du monde sous haute tension
Cette semaine, le mouvement de grève s’est étendu aux chauffeurs de bus. 2,5 millions d’usagers ont été touchés à Sao Paulo et la plus grande ville d’Amérique du Sud a sombré dans le chaos. Bus incendiés, violences entre civiles, stations de métro prises d’assaut... A cela s’est ajoutée la plus problématique grève des policiers qui jugent leur salaire trop bas. Une grève que le gouvernement et son ministre de la justice Jose Eduardo Cardozo entendent tuer dans l’œuf. « Les organismes armés ne peuvent légalement pas faire grève, a-t-il déclaré. C'est pourquoi je ne crois pas que les policiers, qui ont juré respecter leur nation, exposeront leur pays à une situation inacceptable devant le monde, et je ne pense pas qu'ils feront grève pendant le Mondial. » La présence de forces policières en nombre est en effet la condition sine qua non pour assurer la sécurité des spectateurs lors de la compétition.
A ce jour, le gouvernement brésilien ne montre pourtant pas de signe d’inquiétude quant au bon déroulement de la plus grande compétition de football. « Dès que le ballon va commencer à rouler sur la pelouse des stades, ce pays va perdre la tête ! » s’est même exclamée Dilma Roussef, la présidente du Brésil. Ce qui se voulait être une fête pour rassembler les Brésiliens n’est pourtant pas parti pour le devenir. Si le Brésil compte réaliser des bénéfices au travers de cette Coupe du monde, il n’a toujours pas communiqué sur le devenir de cet argent et c’est par conséquent que le peuple fulmine. Ce dernier profite d’ailleurs assez logiquement de la médiatisation de l’événement pour faire entendre sa voix à la planète entière. « Si le gouvernement résout nos problèmes avant la Coupe du monde, on va faire la fête et manger des grillades, a déclaré le leader du MTST. Sinon, ça va barder ! » Alors qu’aucune mesure ne semble prévue, le Brésil va devoir se préparer à une Coupe du monde sous haute tension.