Espagne : décryptage d’une fin de règne annoncée

Chute annoncée d’un colosse, syndrome du champion du monde sortant, malédiction du maillot blanc, mauvais sort jeté par un marabout subsaharien… Les théories liées à la fin de règne espagnol sont nombreuses et variées, certaines plus farfelues que les autres. Difficile de trouver les raisons pour lesquelles la sélection ibérique a perdu pied psychiquement suite à l’égalisation magistrale de Robin Van Persie. « Il y a des choses inexplicables, a reconnu le sélectionneur Vicente Del Bosque. Ce n'est pas une question de physique, c'est que l'optimisme de la deuxième période des Pays-Bas a coïncidé avec notre pessimisme. » Mais cela n’a que trop duré pour n’être qu’une coïncidence. France 2002, Italie 2010, Espagne 2014... Tous ces champions sortants ont perdu leurs moyens dès lors qu’ils se sont retrouvés quelque peu en difficulté. Mais être mené par le Sénégal ou la Slovaquie, se faire rejoindre au score par les Pays-Bas, rien de tout cela ne devrait être insurmontable.

L’Espagne ne sait plus perdre

Alors qu’on l’attendait plus affûtée que les précédents champions en titre parce qu’elle avait prouvé toute sa valeur lors du dernier Euro, l’Espagne est celle qui a le plus explosé. Cela confirme que mentalement, on prépare mal les champions sortants. Car avant d’aborder le problème tactique, il y a eu une explosion psychologique invraisemblable dans le groupe de la Roja. « Personne ne s'attendait à ce revers ! a reconnu Andrés Iniesta. Nous sommes prêts pour ce qui nous attend ... C'est un moment difficile. » Peut-on parler de peur de perdre côté espagnol ? Certainement, et plus encore. Au regard de ce qui se passe Coupe du monde après Coupe du monde, on a la sensation que les champions sortants ne savent plus perdre, ne savent plus ce que c’est, ne savent plus comment gérer, se regardent en chien de faïence et transpirent de panique.

Une faille tactique

Ajouté à cela, l’Espagne possède une équipe vieillissante. Au milieu de terrain, le Xavi de 2014 n’a plus grand chose à voir avec celui de 2010. Dès lors qu’il faut presser, l’efficacité du milieu de poche barcelonais est grandement ébranlée. « C’est la défaite la plus difficile de ma carrière sportive, s’est lamenté dans la presse le maître à jouer espagnol. Nous avons tous été mauvais. » Tactiquement, dès lors qu’elle a perdu la possession du ballon (chose très rare pourtant), l’Espagne s’est désunie et a couru dans le vide. Ce qu’elle faisait subir à ses adversaires, c’est elle qui l’a douloureusement expérimenté : incapable de ratisser, de presser efficacement, baladée qu’elle était sur toute la largeur du terrain. Programmée jusqu’à la moelle pour faire le jeu et rendre fou son adversaire rendu étourdi par ses redoublements de passe, l’équipe d’Espagne n’est en aucun cas capable de subir ce qu’elle fait encaisser aux autres.

Des joueurs cramés

Et physiquement ! Le grand mal espagnol d’hier soir, c’était aussi le physique. Avez-vous déjà vu cette saison Sergio Ramos aussi en retard dans ses interventions ? Qu’ils soient barcelonais ou madrilènes, les joueurs espagnols sont rincés par la longue saison qu’ils viennent de vivre. C’est peut-être là que la fraîche jeunesse hollandaise est venue cueillir le fruit de son labeur. Auteur d’une bourde monumentale, le capitaine Iker Casillas a demandé « pardon » au nom de ses camarades. « Nous espérons que les gens oublieront ce match, a-t-il ajouté, et qu’ils nous aideront pour le suivant qui sera le match le plus important qu'on ait eu depuis beaucoup de temps. » Contre le Chili mercredi prochain, les Espagnols devront prouver à la terre entière qu’ils ne sont pas encore morts. Car oui, la Roja a beau avoir chuté, elle n’a pas encore rendu l’âme. Pour l’instant.