BRESIL 2014

Equipe de France

Le renouveau des Bleus : Le sélectionneur

De Bloemfontein en 2010, où ils sortirent piteusement contre l’Afrique du Sud, à Porto Alegre en 2014 où ils retrouveront le Honduras dans neuf jours, les Bleus ont littéralement changé de cap. A commencer par le visage de leur sélectionneur puisque trois patrons se sont succédés à la tête de l'équipe de France depuis le dernier Mondial.

Deschamps-Domenech-Blanc

DOMENECH, LE DEPASSE

En quatre ans, l’équipe de France a connu trois chefs d’orchestre différents. A la tête des Bleus, chacun a connu des fortunes diverses et laissé des souvenirs on ne peut plus disparates. Secouée en Afrique du Sud, pointée du doigt et moquée par le monde entier en raison de la grotesque grève de ses joueurs, l’équipe de France de 2010 est alors pilotée par Raymond Domenech. Vous n’apprenez sans doute rien. Personnage à part, il a pour lui d’avoir conduit les Bleus en finale du Mondial 2006. Et d’avoir fait sourire la France entière en demandant sa compagne en mariage en direct à la télévision au soir d’une élimination de l’Euro 2008. Un dérapage au regard de sa fonction qui va en appeler une multitude d’autres. Domenech est alors essentiellement critiqué pour son comportement face aux médias. Ne cachant pas sa rancœur envers les journalistes et affichant un constant mépris envers eux, l’ancien sélectionneur s’attire très vite l’inimitié du public, bien avant le Mondial 2010 où il contribuera au crash du groupe français.

Ses derniers faits d’arme en tant que sélectionneur : sa lecture de l’avis de grève de ses joueurs devant les journalistes (« Puisque personne n'en avait le courage, j'allais le lire, moi, leur foutu texte, » écrira-t-il plus tard à ce sujet) et son manque de fair-play envers Carlos Alberto Parreira, le sélectionneur de l’Afrique du Sud, après une ultime défaite (2-1) où il refuse de lui serrer la main. Un comportement qui lui attirera les foudres du monde du football. « Raymond Domenech est et a toujours été un mauvais entraîneur, » jugera Robert Pirès, en réaction aux déclarations choc publiées dans son livre. Un livre édité en 2012 dans lequel il n’épargne personne, à commencer par Franck Ribéry, qu’il a pourtant conduit en équipe de France lors du Mondial 2006. « C’est un entraîneur avec qui je n’ai jamais eu de gros problème, » réagira le Munichois après avoir pris connaissance des critiques acerbes de son sélectionneur. « Il rigolait toujours avec moi. Et derrière, il me tue. J’ai eu le sentiment d’avoir été pris pour un con. » Inutile d'en dire plus, vous aurez compris que ce cher Raymond ne se sera pas fait que des amis durant son mandat.

BLANC, LE MALCHANCEUX

Aussitôt revenu d’Afrique, aussitôt débarqué, Domenech cède sa place à Laurent Blanc. S’il est plus apprécié que son prédécesseur, notamment en raison de sorties médiatiques un peu mieux maîtrisées, la tâche de l’ancien entraineur bordelais est délicate puisqu’il doit tout rebâtir depuis le début. Lentement d’abord, l’ancien libéro des Bleus relance les joueurs français qui ont alors une belle carte à jouer à l’Euro 2012. Celui-ci sera malheureusement terni par deux défaites finales, une sans conséquence face à la Suède (2-0), une fatale contre l’Espagne (2-0). Incapable de trouver un terrain d’entente avec la Fédération pour prolonger, Blanc déclarera à propos de son groupe, suite à son départ : « Tu es en face d’une génération à laquelle tu dois t’adapter: tu peux leur parler, tu peux penser qu’ils ont compris, mais en fait, ils sont capables de te péter entre les doigts.»

Pointant implicitement du doigt le comportement de Samir Nasri pendant le Championnat d’Europe (son accrochage avec la presse), l’actuel entraîneur du PSG glissera un petit conseil pour son successeur : « L'expérience vécue à l'Euro servira à l'équipe de France et au sélectionneur en place. On a vu le comportement de certains de ces joueurs en phase finale, il faudra en tirer des conséquences. » Conseil visiblement suivi puisque Nasri ne sera pas du voyage au Brésil. Blanc débarqué, il laisse derrière lui un chantier bien moins vaste qu’à son arrivée. Sous son égide, les Bleus ont repris confiance et si toute la philosophie de jeu inculquée par l’ancien joueur de l’OM n’a pas porté ses fruits, les Bleus repartent de l’Euro avec de nouvelles certitudes et de nouveaux cadres sur lesquels va pouvoir s’appuyer le futur sélectionneur.

DESCHAMPS, L'OPPORTUNISTE

« Il attendait de se sentir prêt mentalement. » Tels sont les mots de Noël Le Graët lorsque pour la première fois, on évoque en 2012 la nomination à venir de Didier Deschamps au poste de sélectionneur de l’équipe de France. Arrivé de Marseille où il aura fait le tour de la question, le seul joueur français ayant soulevé une Coupe du monde débarque avec une étiquette de gagneur collée sur sa personne. Déterminé à relancer définitivement la France, l’entraîneur fait des choix forts, notamment en défense où il repart quasiment à zéro. Exit Mexès et Rami, place aux jeunes Varane et Sakho. La priorité de l’ancien entraîneur de Monaco est d’assurer une bonne assise défensive à son équipe avant toute chose. Le temps lui est rapidement compté pour trouver son onze miracle. Si bien que le couperet des barrages lui rappelle que chaque mi-temps est précieuse dans sa quête du Graal. Mis à mal par l’Ukraine à l’aller (2-0), il ne trouve sa recette miracle (et ce qui s'apparentera au onze-type du Brésil) que dans la toute dernière encablure. Ses choix lui permettent de renverser les Bleus et Jaunes (3-0) et de qualifier son groupe pour le Mondial.

Là où Domenech donnait systématiquement rendez-vous aux dates symboliques des finales, l’approche de Deschamps à l’abord de la Coupe du monde est on ne peut plus différent : « Moi, je ne donne rendez-vous qu’au 15 juin. Pour notre premier match contre le Honduras. C’est notre premier rendez-vous à réussir. Après, on verra. » Demeurer patient, établir un plan sur la durée, prendre les matches les uns après les autres et en tirer les conséquences, telle est la conception de l’actuel sélectionneur. L’objectif de Domenech était de gagner à tout prix la Coupe du monde, est-ce le même pour Deschamps ? « Eh bien, moi, je vais dire que le premier objectif est de gagner le premier match. Car le dernier match qu’on a gagné en phases de poule de Coupe du monde, c'était en 2006. » Plus apprécié que ses prédécesseurs, Deschamps profite finalement de chacun d’entre eux. L’impopularité de Domenech le rend inévitablement plus estimé par le public. Le travail de reconstruction parfaitement initié par Blanc lui profite indéniablement, même maintenant. Car en plus d’être un gagneur, Didier Deschamps est un opportuniste. Et un opportuniste, souvent, ça gagne.